Entrée au manoir (PV Eloras)

Ce qui s'est passé avant

Luna ne pouvait le nier. Décidément, cette situation allait la mettre dans un drôle de pétrin. De plus, s'il n'y avait que le simple fait de devoir appeler cet humain par son prénom, elle devrait en plus le tutoyer. Pour donner plus de crédibilité à la situation, certes, mais avant toute chose pour « l'aider » avec un grand A. Néanmoins, il fallait dire également qu'elle n'avait pas le choix. Si ceux qui avaient tenté de les éliminer en avaient réellement après lui, ils n'hésiteraient pas une seule seconde à se débarrasser des témoins gênants. Quelle drôle de situation pour une personne ayant déjà eu des démêlés avec les forces de l'ordre telle que Luna. Elle qui avait été reconnue coupable d'un crime s'était comportée s'était montrée prête à collaborer pour pouvoir rendre justice.

Elle se demanda ce qu'il en saurait si les policiers venaient chez l'humain qui l'hébergeait. Si ce qu'avait dit Eloras sur les policiers qui seraient de mèche était vrai, ils l'auraient peut-être reconnu et, qui sait, auraient déjà mis les moyens en oeuvre pour la retrouver. Ce qui amènerait à retrouver également l'humain aux cheveux blancs. Il fallait dire qu'ils ne passaient pas vraiment inaperçus, que ce soit au sein d'une foule ou bien seuls. Ce qui amenait à remarquer que d'une certaine manière, elle était de nouveau recherchée.

Puis vint le moment où elle songea ce qu'il en serait si Taylor était au courant. Que penserait-il et surtout, que ferait-il? Quoiqu'il en soit, le fait qu'elle émettait déjà des doutes à son sujet ne rendait pas la question si difficile que cela à répondre. Elle la poussait tout simplement à faire mouche sur le sujet. Pour dire d'une manière ô-combien concrète, non, elle ne lui faisait pas confiance. Ni à lui, ni à Eloras, ni à personne d'autre. En fait, cela ne faisait pas vraiment de différence avec ses éternelles habitudes. Cela pour ne pas dire aucune.

Luna marmonna un simple « hun hun... » neutre aux recommandations de l'humain. Sans pour autant reporter son attention sur lui même. L'albinos garda ses yeux devenus morts et livides de toute émotion sur la route qui les conduisait au manoir, ce qui signifiait donc qu'elle n'avait pas vu Eloras réagir. « Morts », pour ne pas dire reflétant un je-m'en-foutisme des plus flagrants. Car elle s'était bien évidemment attendu à devoir se comporter avec lui de manière familière si le jeu devait être crédible. Raison pour laquelle elle estimait inutile à devoir se le faire répéter, même si pour l'instant, ce n'était qu'une seule fois.

Devant leurs yeux se tenait une immense bâtisse à l'architecture victorienne. « Elle est aussi belle de nuit que de jour. », se dit l'albinos dont les yeux s'étaient posés sur la porte d'entrée qui se rapprochait au cours de leurs pas. Ce fut sa seule pensée au milieu de ce quartier marqué par un silence des plus pesants. Même ses pas lui semblaient silencieux. Pour dire, elle ne pensait même pas à l'excuse qu'elle devrait inventer pour la disparition du sac de courses.

Peut-être n'y penserait-elle jamais sans que Taylor n'y fasse référence. En tous cas, cela n'allait pas être au moment où elle se sentit aggripée par l'épaule tandis qu'elle continuait sa route. Si elle n'avait pas su à qui appartenait la main, elle y aurait sans doute enfoncé violemment ses griffes. Cependant, même s'il s'agissait de la personne avec qui elle devrait se montrer plus familière pour jouer un jeu, sa réaction n'en resta pas pour autant amicale. Luna s'arrêta subitement puis resta immobile quelques instants pour soupirer longuement les yeux fermés. « Trop tôt pour commencer le plan », se dit-elle avant de porter sa main sur celle d'Eloras. Même si la différence de taille était phénoménale entre eux, elle n'hésita pas à retirer la main de son épaule pour l'abaisser. Selon l'albinos, ce contact n'aurait lieu que si strictement nécessaire, pas avant. Ils n'étaient même pas entrés, à quoi cela servirait-il? Même si cette pensée n'était qu'un prétexte pour Luna à ne pas se trouver en contact avec lui de quelque manière que ce soit.

Comme deuxième réponse à ce contact pour le moins déplacé selon elle, Luna releva la tête vers Eloras pour le regarder d'un air neutre. Si lui, semblait sérieux pour quelque raison que ce soit, elle, l'était tout autant. Elle ne lui demanda même pas pourquoi il avait fait cela, se contentant du simple fait que pour le moment, ils avaient autre chose à faire. La féline reposa ses yeux qu'elle ferma un instant avant de les rouvrir sur les marches de l'escalier d'entrée. Elle finit par faire un pas en leur direction. Puis un autre, jusqu'à monter les quelques marches plutôt larges. Une fois en haut, Luna remarqua qu'elle devait au moins faire la taille d'Eloras si ce n'est un peu plus....sur quatre marches évidemment car normalement, c'était lui qui faisait quatre marches environ de plus. Une remarque qui ne manqua pas de lui arracher un mordillement de lèvre inférieure. Indéniablement: il était grand.

Quoiqu'il en soit, l'albinos se décida à reporter son attention sur la porte du manoir. Ainsi que son regard. Car elle songea qu'il valait mieux continuer au lieu de rêvasser bêtement sur le pas de la porte. Aussi baissa-t-elle les yeux vers la poignée dont elle s'approcha et sur laquelle elle posa la main. Elle stoppa son un instant son mouvement pour tourner la tête vers Eloras et lui faire signe de se rapprocher. Ceci fait, elle tourna la poignée de porte et ouvrit celle-ci. Même légèrement entrouverte, la féline devinait un silence pesant dans le couloir. Taylor était sans doute dans son bureau. Quant aux autres, leur situation avait été énoncée au début. Ce n'était pas vraiment pour rien que Luna avait du faire les courses. La porte ouverte, Luna tourna de nouveau la tête vers Eloras pour lui dire qu'il devrait refermer la porte avant de faire un pas pour entrer. Puis elle pénétra complètement dans le couloir laissant la porte ouverte comme si ne rien n'était. Seulement une fois dans le couloir, elle ne tarda pas à ouvrir ses yeux rouges en grand.

Luna continuait à s'enfoncer dans les ténèbres de la demeure des Taylor, toujours sur cette démarche lente, laissant croire ainsi qu'elle redoutait que quelque chose ne survienne brusquement. Un peu comme ces polichinelles que l'on prend tout d'abord pour des boîtes tout à fait banales et qui ont vite fait de nous faire sursauter une fois le couvercle de la boîte ouvert. En réalité, la féline n'attendait ni polichinelle ni quoique ce soit d'autre qui pouvait surgir sous ses yeux de manière brusque et hâtive. Comprenez donc, vous qui savez d'ores et déjà ce qu'il va se passer par la suite, qu'il s'agit là du comble pour quelqu'un qui n'attendait strictement personne si ce n'est le seul et unique propriétaire de ces lieux. Dans ce cas présent, vous me demanderez sans doute pourquoi notre féline adoptait cette démarche à la fois silencieuse et prudente. La réponse était pourtant tout ce qu'il y a de simple. Luna comme tout humain dans la normalité la pluspure, ne voyait pas dans le noir. « Insensé », ferez-vous remarquer. Car je vous entends déjà dire que les nekos possédant des gênes de chats ont la capacité de pouvoir percevoir tout ce qui se trouve devant leurs yeux dans l'obscurité la plus profonde. Cependant comme le disait cette expression « Il y a des exceptions à la règle. » et Luna en faisait tout bonnement partie. Ainsi donc, pour résumer sur les explications et le pourquoi du comment, disons seulement que ne pouvant pas voir dans le noir, l'albinos voulait éviter tout incident des envergures suivantes:

Se cogner maladivement contre le mur le plus proche.

Trébucher sur un objet qui – malencontreusement – ne serait pas rangé à sa place. Chose qui arrive le plus souvent dans la demeure de ce que l'on pouvait appeler un «non-maniaque de la propreté».

Et tout ceci bien entendu en voulant dans l'intention la plus logique (si cela est approprié) chercher sur le mur un petit bouton susceptible de fournir la lumière. Pour faire simple, celui de l'interrupteur, si possible le plus proche et celui chargé d'allumer la lumière du rez-de-chaussée et non la pièce opposée.

Mais bien entendu, elle n'aurait même pas le temps de trouver ce fameux interrupteur. Car tandis qu'elle avançait à l'aveuglette dans le hall avec cette même expression incertaine, elle sentit quelque chose la tirer violemment vers l'extérieur. Sur le coup, ses pupilles rubis se dilatèrent laissant place à une expression de surprise sur son visage. Par réflexe, elle sursauta et ne sachant trop ce qui était en train de lui arriver, elle se laissa emporter vers l'arrière sans avoir le temps de demander à voix haute ce qui littéralement pouvait bien se passer ou bien de contester par rapport aux marques de familiarité. Car elle se doutait que c'était l'humain qui l'avait éloigné de l'encadrement de la porte. Qui d'autre aurait pu de toute manière.

Chose étonnante, ce fut la même question qu'elle se posa quand soudainement tirée en arrière, elle vit l'encadrement se détruire à cause des armes. Qui plus est, l'endroit où elle se trouvait il y a deux secondes à peine. Les yeux toujours écarquillés, Luna n'osa même pas imaginer ce qui se serait passé si elle n'avait pas été entraînée en arrière par Eloras. Réduite en miettes, oui. L'expression était tout bonnement appropriée. Néanmoins, elle préféra ne pas aller plus loin au niveau des pensées car elle trouverait cela fort déplaisant. Surtout pour ce qu'elle avait à faire au cours des années à venir qu'elles soient nombreuses ou moindres.

Une fois éloignée de la bâtisse, Luna continuait de fixer l'encadrement de la porte réduit en charpie d'un air hébété. Ainsi, elle put se rendre compte d'un détail. Et quel détail ! Si Taylor était supposé être dans son bureau, que lui était-il arrivé dans ce cas là? Ce n'était quand même pas lui qui était responsable de toute cette mascarade, non plus ! Bon, il était vrai que la féline avait émis quelques soupçons à son égard lors de son arrivée au manoir mais de là à y laisser son manoir...Ainsi donc, il ne restait qu'une seule hypothèse possible. Il avait été impliqué contre son gré et de manière évidente, en avait également fait les frais de sa propre vie. Quatre phrases pour expliquer qu'il était mort. Depuis quand? Aucune idée dans la mesure où les responsables de son décès auraient pu arriver dans le manoir à n'importe quel moment de la journée. Et aucune importance car de toute manière, le résultat était là et resterait le même.

Voici donc qu'elle se retrouvait à présent sans logement. Sans quoique ce soit lui permettant de subvenir à nombreux de ses besoins. Du moins, mis à part le vol ou toute activité frauduleuse. Mais tout cela, elle voulait éviter. Car pensez qu'avec un casier judiciaire déjà ouvert et reconnue comme esclave dans une société telle que celle-ci, il n'était nul besoin de se faire remarquer davantage. D'autant plus qu'à présent, elle pourrait être vue comme «Libre» - même si elle considérait elle même l'être depuis belle lurette. Néanmoins, elle se souvenait que des papiers avaient été signés pour confirmer son adoption. Dès à présent, ces documents n'auraient plus aucune valeur puisque l'adopteur en question avait rendu l'âme. Bizarrement, elle éprouva un peu de pitié. Non pas car elle avait réussi à nouer des liens d'amitié avec quelqu'un – chose qu'elle ne ferait pas de sitôt – mais il était quand même une victime sans le vouloir. Un «innocent».

" Ca va pas de rentrer comme çà. Tu as faillis te faire tuer. "

Ces paroles réussirent à dissimuler tout indice attestant de cette pitié. A présent, une expression agacée se lisait sur le visage de la féline qui dès lors que les mots s'imprimirent dans sa tête, se dégagea de l'emprise de l'humain sur ses épaules. Non mais pour qui il se prenait celui-là pour l'engueuler de la sorte. Ce n'était pas parce qu'il s'inquiétait pour elle pour elle-ne-savait-quelle-raison-de-toute-manière-elle-s'en-fichait qu'elle allait jouer les «Mère-Thérésa», non plus ! Et puis quoi encore ! En plus il l''avait tutoyé:

- *Bon...keep cool...*, se répéta mentalement Luna qui laissa une main glisser le long de son visage comme pour soupirer d'agacement.

Bon...Il fallait quand même avouer qu'il l'avait sauvé d'une mort certaine alors inutile de monter sur ses grands chevaux...En plus, ce n'était pas réellement le moment. Il fallait trouver une idée de quoi faire et vite avant que la situation de s'aggrave. Qui sait, ils pourraient peut-être sortir pour voir s'ils les avaient bien éliminés. Le pire étant que d''autres pouvaient venir par derrière sans qu'ils aient pu s'en rendre compte. Elle en prime, l'efficacité de ses attributs félins – notamment son ouïe – étant réduite de moitié. Ainsi en conclusion, autant faire vite même si la remarque précédente concernant l'utilité de monter sur ses grands chevaux ne servit strictement à rien:

- «Avant toute chose. Maintenant que notre stratagème ne risque d'aucune manière d'être mis en place, je vous demanderai de la manière la plus explicite soit-elle de vous en tenir à ce que j'ai dit au tout début concernant les marques de familiarité et tout le reste.», expliqua-t-elle avec une pointe d'ironie dans le ton.

Au moins, c'était dit de façon claire et concise même s'il était possible qu'il s'en doute. Même si ce n'était pas vraiment ce qu'il y avait de plus prioritaire à faire remarquer. Maintenant il fallait trouver un endroit où loger. Calme au préalable et loin de toute agitation quelle quelle soit. Mais avant cela, Luna se rendit compte qu'elle avait oublié un autre détail important lui aussi et tourna la tête vers tous les côtés avant de poser son regard sur un arbre devant l'entrée. L'albinos tourna de nouveau la tête vers Eloras dont elle s'éloigna sur un «Je reviens». Luna se dirigea vers l'arbre espérant que le groupe de personnes n'ait pas la bonne idée d'ouvrir la fenêtre et de tirer sur chacun d'eux. Raison de plus pour se dépêcher. Une fois devant l'érable, Luna se baissa vers le sol et retroussa les manches pour de ses griffes gratter la terre et creuser. Elle se souvenait exactement de l'endroit où elle l'avait enterré comme si elle avait gardé l'image d'une carte au trésor gravée dans la tête. Quoi de plus logique quand il s'agit de l'objet auquel on tient le plus. Et quoi de plus logique de ne pas se permettre de se séparer de ce «trésor», surtout dans un moment tel que celui-ci.

Quelques secondes plus tard et les mains pleines de terre, Luna revenait avec ce qu'elle appelait son «précieux» en main. Une fois devant l'humain, elle tourna de nouveau la tête vers tous les côtés pour vérifier s'ils n'étaient pas mis en joue. Rien. Ouf. Au moins, ils avaient plus de chance de quitter cet endroit sans se faire tirer dessus comme des gibiers:

«Et maintenant?», demanda-t-elle sous-entendant d'autres interrogations comme «Où aller?», ou «Que faire?».